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Premiers résultats des travaux de la finalité 3

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Les 11 et 12 octobre 2022, l’ensemble des onze partenaires du Réseau Mixte Technologique (RMT)1 Agricultures Urbaines se sont réunis à l’institut Agro Rennes-Angers, en présence d’étudiants, et d’acteurs agricoles et urbains angevins, afin de présenter les premiers résultats du projet.

GAEC & SOCIÉTÉS, avec l’AFAUP et le professeur Philippe Billet de l’Université Jean Moulin - Lyon 3, en ont co-animé un atelier afin de présenter certaines questions juridiques, aux acteurs de l’agriculture urbaine. L’objectif était d’identifier les pratiques, les freins et les leviers propres à ces questions.

 
L’animation, la formation, la pédagogie de jardins collectifs et de potagers en ville, pourraient-elles rentrer dans le cadre de la définition sociale de l’activité agricole ?

La reconnaissance en droit des activités agricoles urbaines n’est pas si évidente. Rentrent dans la définition juridique de l’activité agricole3, les activités de production agricole, et de transformation, de conditionnement, de commercialisation, liées à la production. Mais de nombreuses activités développées en agriculture urbaine (animation, entretien de parcs et jardins collectifs...) ne s'intègrent pas explicitement dans cette définition du code rural.

L’affiliation sociale des agriculteurs urbains à la MSA se base sur une définition de l’activité agricole plus large que l’article L311-1 du Code rural. Elle est ainsi possible pour des individus exerçant une activité agricole et/ou une activité de paysagiste. Pour ce faire, il est nécessaire de répondre à certaines conditions. Concernant l’affiliation d’un.e chef.fe d’exploitation d’un projet à vocation marchande et productive de l'agriculture urbaine (les fermes urbaines spécialisées selon l'AFAUP), il va essentiellement se heurter au critère de surface, mais une règle prévoit à ce jour des équivalents heure/surface pour augmenter les heures travaillées4. En cas de cumul d’activité agricole et non agricole au sein d’une structure, celle-ci peut être rattachée au régime de l’activité dite principale. L’activité la plus ancienne est réputée principale. Il est en revanche possible de choisir de s’affilier au régime de l’activité la plus importante.

 

Pour les fermes urbaines participatives, à vocation sociale et environnementale, on observe, dans la pratique, une corrélation entre la convention collective et le régime social, bien qu’il n’existe aucune règle en ce sens. Les animateurs de potagers et de jardins collectifs peuvent ainsi être soumis au régime agricole, dès lors que la ferme est considérée comme une ferme pédagogique ou que le salarié est considéré comme un paysagiste-jardinier. Néanmoins, une association qui vit majoritairement de ses activités de formations et qui vend un peu de productions est affiliée au régime général.

Lors de cet atelier, d’aucuns interrogeaient l’intérêt pour un jardinier d’être reconnu agriculteur, d’autres pointent le flou de la prépondérance de l’activité agricole dans  l’activité d’animation de jardins. Par ailleurs, certains soulignent la variabilité du temps de travail d’un agriculteur urbain sur les différentes activités (production, formation, études diverses). La solution d’avoir deux régimes sociaux différents au sein d'une même structure ne semble pas opportune car trop complexe à gérer d'un point de vue administratif pour les porteurs de projets. En somme, la diversité des métiers et des projets que révèle l'agriculture urbaine interroge la MSA.

Faut-il une autorisation d’exploiter pour les projets agricoles en ville ?
Un deuxième thème traité lors de l’atelier concernait la politique des structures. L’agriculture urbaine y est-elle soumise ?

Par principe, le contrôle des structures s’applique au fait d’exploiter des terres agricoles en milieu urbain au même titre qu’en milieu rural. Ce contrôle vise plusieurs objectifs : le renouvellement des générations d’agriculteurs, la diversité des systèmes de production et l’accessibilité au foncier agricole.  La Cour administrative d’appel de Lyon5a toutefois jugé que des terres et bâtiments agricoles exploités de façon temporaire (« exploitation provisoire et précaire ») n’étaient pas soumis à autorisation d’exploiter6. Ce caractère « provisoire et précaire » n’est cependant pas un argument déterminant. A contrario, si la jurisprudence n’est pas encore uniforme, certaines métropoles comme Lille et Paris, opèrent déjà un contrôle sur les projets agricoles urbains. Cependant, à notre connaissance, ce contrôle est encore exclu pour l’agriculture urbaine dite « indoor », à l’instar des caves ou des containers à bateau réutilisés pour l’agriculture. Pour GAEC & SOCIÉTÉS, ces bâtiments pourraient toutefois faire aussi l’objet d’un contrôle des structures puisqu’ils sont le support d’une exploitation agricole.

A ce jour, peu de CDOA7, comme celle de Lille, sont consultées sur des projets d’agriculture, urbaine, et ce en raison de la typologie différente des projets, qui conduit les acteurs agricoles à ne pas se sentir concernés : exclusion d’une zone agricole, domaine public, exploitation par une personne morale (scop, association …), projet attribué par une procédure de sélection (AAP, AMI etc.)…. Le cas de déclenchement du contrôle des structures dans le cadre de l’agriculture urbaine sera souvent lié au défaut de diplôme, ou à la pluriactivité du chef d’entreprise, et peu à la concurrence.

Pourrait-on voir naître une commission propre aux projets agricoles urbains avec des acteurs agricoles et des acteurs de la ville (associations de quartiers, collectivités, habitants etc.) ? Certains participants ont partagé cette idée et ce d’autant plus que les projets agricoles urbains ont aussi leurs propres contraintes et des contextes spécifiques. L'agriculture urbaine serait une affaire de ville. D’autres ont interrogé la possibilité d’adapter les ICHN8 aux contraintes du milieu urbain. Les urbanistes ont également souligné la mise en concurrence des activités agricoles sur zone périurbaine, notamment les centres équestres sur les activités de production. Les circuits de distribution des denrées alimentaires sont également mis en concurrence entre la consommation locale et les exportations. Les enjeux agricoles en ville sont de taille !

 

Faut-il adapter le bail rural en ville ou développer un nouveau type de contrat ?

Le troisième thème traité lors de l’atelier concernait la question de l’applicabilité du bail rural9 en ville. Si celui-ci se définit comme une mise à disposition, à titre onéreux, d’un immeuble à usage agricole, la réglementation ne limite pas son application au milieu rural, permettant ainsi de le mobiliser en  milieu urbain. Il y a deux intérêts majeurs pour le porteur de projet urbain à y être soumis : la durée du bail et l‘encadrement du loyer. Cependant, rappelons que le bail rural est incessible10 et que la sous-location est prohibée. Le caractère mobile de certains projets et leur adaptation en ville semblent toutefois rendre complexe son applicabilité. A ce jour, la majorité des conventions existantes pour l’agriculture urbaine sont temporaires, et composées de clauses  peu protectrices de ces activités agricoles urbaines.

Une proposition de loi a été déposée en 2018 pour créer une convention adaptée aux zones urbaines et périurbaines mais n’a pas abouti11. Certains professionnels du droit ont estimé qu’il était illusoire de modifier le Code rural et qu’à cet égard il était plus envisageable d’adapter les conventions sur un temps long. Par ailleurs, des urbanistes ont ajouté qu’un loyer progressif en fonction du chiffre d’affaires de l’exploitation pourrait aussi être un levier, à l’instar de ce qu’appliquent certaines collectivités.

Occupation du domaine public et bail rural

Le dernier thème abordé était l’occupation du domaine public par des projets d’agriculture urbaine. Relèvent du domaine public les biens appartenant à une personne publique et répondant à certains critères. Ainsi, et notamment, font partie du domaine public les biens appartenant à une personne publique et qui sont :

  • Soit affectés à l’usage direct du public
  • Soit affectés à un service public s’ils font l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public12

Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques concourant à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public et en constituant un accessoire indissociable13 (cf. toit d’un bâtiment public affecté à un service public et qui ferait l’objet d’une convention d’occupation à des fins de mise en culture).  A défaut de relever de son domaine public, ils relèvent de son domaine privé, avec un statut comparable à celui de la propriété privée.

Le domaine public est inaliénable (ne peut pas être vendu) et imprescriptible (pas d’acquisition de droits sur lui par l’écoulement d’un délai). En outre, les conditions d’octroi d’une autorisation d’occupation dépendent de la conformité du droit d’usage commun du domaine public à la destination particulière de la dépendance domaniale. L’autorisation est limitée dans le temps et personnelle, donc non transmissible à des tiers, y compris à des membres de la famille.  L’autorisation d’occupation est aussi précaire et révocable pour des motifs d’intérêt général. Les règles de concurrence seront appliquées lorsque le titre d’occupation permettrait à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique14. Enfin, cette occupation donne lieu au paiement d’une redevance15. Ces qualités, et particulièrement l’imprescriptibilité, s’opposent à la constitution d’un bail rural sur une dépendance du domaine public, alors que cela est possible sur une dépendance du domaine privé d’une personne publique.

Le groupe s’est alors et entre autres demandé s’il n’était pas possible  que l’agriculture urbaine sur domaine public puisse être considérée comme un service public alimentaire? Une thèse est en cours, qui aborde notamment ce sujet.

 

Le RMT Agricultures Urbaines
Labellisé par le ministère chargé de l’agriculture pour cinq ans à compter du 1er janvier 2021, il est piloté par la Chambre d'agriculture de l'Ain. Il doit prendre la mesure de la diversité des formes d'agricultures urbaines, en réalisant un état des lieux de l'offre existante. Au-delà, il se donne pour objectifs de contribuer à l'intégration de l'agriculture urbaine dans son contexte territorial, promouvoir et développer les fonctions productives de l'agriculture urbaine, favoriser les trajectoires entrepreneuriales en agriculture urbaine dans leur cadre économique et juridique, proposer des programmes de formations initiales et continues.

 

 

[1] Les RMT ont été créés par le ministère de l’Agriculture en 2006. Structures sans personnalité morale, ils rassemblent des experts (issus de la recherche, de l'enseignement technique agricole et du développement agricole) du domaine objet de la recherche et sont financés par le compte d’affectation spéciale “Développement agricole et rural” (CASDAR).

[2] Association Française d’Agriculture Urbaine Professionnelle.

[2] C.rur. art. L. 311-1.

[4] NB : à condition d’atteindre à minima un quart de la Surface Minimum d'Assujettissement (SMA) fixée par arrêté préfectoral dans chaque département.

[5] CAA Lyon, 9 déc. 2010, n° 09LY00772 ( en l’occurrence  des terrains à usage de gravières qui ne sont pas destinés à la production de cultures ou d'animaux d'élevage ne constituent pas des terres agricoles au sens du code rural et ne relèvent pas du contrôle des structures : dès lors, leur maintien provisoire et précaire en culture n’a pas à être autorisé.

[6] Les réglementations sanitaires et environnementales restent obligatoires dans ce cas.

[7] Commission départementale d'orientation de l'agriculture, consultée dans le cadre des autorisations d’exploiter.

[8] Indemnités Compensatoires de Handicap Naturel

[9] Art.L.411-1 du Code rural.

[10] Hors le cas du bail rural cessible des articles L.418-1 et s du Code rural.

[11] Proposition de loi visant à revitaliser les terres agricoles en zone périurbaine du 21 mars 2018 n°786
[12] CG3P, art.L.2111-1

[13] CG3P, art.L.2111-2

[14] CG3P, art.L.2122-1-1

[15] Sauf exceptions – CG3P, art.L.2125-1 et L.2125-3